Je m’interroge et je parle de moi en répondant au questionnaire de Sophie CALLE et de Grégoire BOUILLER*
Quand êtes-vous déjà mort ?
Je ne m’en souviens plus. Ce devait être avant ma naissance.
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie d’ouvrir les yeux et de voir s’il fait déjà jour.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je rêve encore d’être un enfant.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres ?
Peut-être le goût des autres.
Vous manque-t-il quelque chose ?
Oui, plusieurs choses. Le regard d’August SANDER et de Pentti SAMMALLAHTI, l’inspiration d’Hermann HESSE, la voix d’Alain BASHUNG, la gueule de Robert de NIRO et le palmarès d’Eddy MERCKX.
Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?
Oui, à condition de ne pas le savoir.
D’où venez-vous ?
Mon lieu de naissance n’existe plus. Il s’agissait de la Clinique Sainte Thérèse à Colmar, Préfecture du Haut-Rhin.
Jugez-vous votre sort enviable ?
Plutôt oui et il continue de me faire envie.
A quoi avez-vous renoncé ?
A changer les autres.
Que faites-vous de votre argent ?
C’est une question indiscrète. Mon banquier m’a demandé de ne rien vous révéler.
Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?
Très sincèrement, le rangement.
Quels sont vos plaisirs favoris ?
Rêver et recommencer.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un couteau suisse, le grand modèle.
Citez trois artistes vivants que vous détestez ?
Je ne peux pas répondre. Détester un artiste, c’est ne pas essayer de le comprendre.
Que défendez-vous ?
Le droit de vivre et aussi d’entrer chez moi sans y être autorisé.
Qu’êtes-vous capable de refuser ?
De voir et d’entendre les importuns.
Qu’elle est la partie de votre corps la plus fragile ?
La peau et les os.
Qu’avez-vous été capable de faire par amour ?
Parler et me taire. Attendre aussi.
Que vous reproche-t-on ?
Tout ce qui dérange les autres mais qui en réalité me convient.
A quoi vous sert l’art ?
A montrer ce qu’on ne voit pas dans la réalité.
Rédigez votre épitaphe.
“Frères humains qui après nous vivez
N’ayez les coeurs contre nous endurcis
Car si pitié de nous pauvres avez
Dieu en aura plus tôt de vous merci”
de François VILLON. Mais c’est peut être un peu long. Je vais encore réfléchir. J’ai le temps, non ?
Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?
En martin-pêcheur.
* paru dans Les Inrockuptibles n° 416 daté du 19 novembre 2003
contact : michelfriz53@gmail.com